class="p1" style="margin-top: 0px; margin-right: 0px; text-align: justify; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; font-stretch: normal; font-size: 15px; line-height: 25px; font-family: "Libre Franklin", sans-serif; -webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0);">
Ce qui manque à la France, entend-on couramment, c'est un leader charismatique capable d'enrayer le déclin et de diriger le pays vers une transformation structurelle. Un dirigeant dont le modèle pourrait être une version adoucie de Madame Thatcher.
Pourtant, contrairement aux idées reçues, Margaret Thatcher a pris son temps avant d'entamer ses grandes réformes. Si l'on observe son premier mandat, elle a fait preuve dans les faits de pragmatisme et de flexibilité.
Lors de son premier mandat, la Dame de Fer reste prudente
Comme le rappelle l'économiste, Anatole Kaletsky [1], dès les premiers mois qui suivent son arrivée au pouvoir, Madame Thatcher commence par céder aux exigences des syndicats, en accordant une augmentation de 21% en moyenne sur les salaires. Cette mesure déclenche une inflation de plus de 12 % en un an, rendant nécessaire une politique de rigueur dont les conséquences ne tardent pas à se faire sentir : un chômage multiplié par trois et un effondrement irréversible de nombreuses industries manufacturières.
Ayant très vite perçu les limites de cette politique, Madame Thatcher l'abandonne rapidement, tout en déclarant à la conférence du Parti travailliste en 1980 "You turn if you want, the lady is not for turning". Les deux années qui suivent l'automne 1980, voient les taux d'intérêt baisser de 16 à 9% et la plus grande dévaluation de la Livre, qui chute de 2,40 à 1,05%.
La nouvelle politique conduite entre 1981 et 1982, porte enfin ses fruits. L'économie britannique commence à se redresser. Fin 1982 la popularité du Premier Ministre rebondit favorisée par la victoire des Malouines. Pourtant, même encore à ce stade, Madame Thatcher demeure prudente. Elle attend encore deux ans avant de commencer les reformes structurelles, qui font, encore à ce jour, sa réputation. En 1982, Margaret Thatcher plie encore devant les syndicats. Jugeant l'économie encore trop faible et l'opinion publique incapable de supporter l'effet d'une longue grève, elle accepte une nouvelle hausse de salaire pour les mineurs. C'est deux ans plus tard, lorsque l'économie est totalement redressée, qu'elle se sent-elle prête à les affronter.
Madame Thatcher n'entame ses reformes structurelles qu'en 1984, lorsque la Grande Bretagne est complètement sortie de la crise.
En Mars 1984 alors que l'économie est en plein essor, elle s'attaque au syndicat des mineurs, le NUM, qui vient d'entamer une nouvelle grève. Leur chef, Arthur Scargill, lui fournit la meilleure arme: il a refusé de consulter à nouveau ses membres sur la grève, ayant perdu successivement trois votes de confiance sur les grèves nationales (de Janvier 1982, Octobre 1982, Mars 1983). C'est ce refus de faire voter ses membres qui permet à Madame Thatcher de rassembler une bonne partie de l'opinion derrière elle. Elle déclare la grève illégale et le début du bras de fer avec les mineurs commence. Elle en sort victorieuse, un an plus tard.
La même prudence lui dicte d'attendre cinq ans après sa première élection et deux ans après le début du "boom" immobilier de 1982 pour entamer ses privatisations, dont elle justifie le mécanisme dans un grand entretien en Janvier 1986 [2]. Cependant elle sait où s'arrêter, comme le prouve sa farouche opposition à la privatisation du transport ferroviaire, British Rail [3]. Celle-ci n'aura pas lieu avant que John Major ne vienne au pouvoir.Madame Thatcher a été la seule à avoir la finesse de saisir le moment où le pays était prêt à soutenir ses réformes.
Où réside donc l'habileté politique de Margaret Thatcher ?
Avant l'accession au pouvoir de Margaret Thatcher, explique son successeur, John Major, la Grande Bretagne avait des "leaders conservateurs ou travaillistes qui allaient avec le vent". Ils ne parvenaient pas à modifier les tendances. Ils se contentaient de gérer le pays. Si elle a réussi là où les autres ont échoué, c'est qu'elle su trouver le bon timing et entamer les réformes dès que le libéralisme qu'elle prônait a porté ses fruits. À ce moment-là, elle avait tout le pays derrière elle: aux élections générales de 1983, les syndicats eux-mêmes n'ont voté qu'à 38% pour les travaillistes. Elle a su convaincre l'opinion publique, de droite comme de gauche, du bien fondé de transformer le pays. Elle a su faire accepter son concept de capitalisme populaire, en permettant aux classes moyennes d'accéder à la propriété. Margaret Thatcher avait vite compris que les réformes structurelles étaient impossibles sans la croissance. C'est là que se situe son véritable génie politique.
par
Brigitte Ades
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